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Une femme court dans la poudreuse. Elle manque de chuter à plusieurs reprises, et s’essouffle rapidement. Ses mains tiennent son ventre comme si elle cherchait à en alléger le poids. Sa démarche est hasardeuse. Où va-t-elle ? Aucune idée. Elle regarde derrière elle à intervalle régulier, s’assurant de ne pas être suivi. De temps à autre, elle jette un regard sur la droite, où sur la gauche, avec la sensation d’avoir entendu un bruit. Ses enjambés se font plus courtes, son pas plus lent. Elle finit par s’appuyer contre un des nombreux arbres de la forêt dans laquelle elle erre désespérément. Son visage se crispe en une grimace de douleur, et elle lâche un gémissement. Cela ne l’empêche pas de s’assurer encore une fois qu’elle est seule. Elle s’agenouille auprès de l’arbre, et tente de reprendre sa respiration. Elle suffoque sous les pans de son manteau, et le froid hivernal ne semble pas l’atteindre. Elle cherche visiblement à se calmer, et chuchote, les bras autour du ventre.
> Chut, là, calme toi, tout va bien… doucement…Elle semble parler à la grosseur sous son pull. Ses traits se tirent à nouveau, et la mère ne peut retenir sa plainte. C’est alors qu’un 4x4 jaillit d’entre les arbres. La jeune femme comprend. Elle panique, se relève en s’appuyant contre l’écorce gelée. Elle cherche à fuir, et s’enfonce dans les bois. Elle se dit qu’au milieu des arbres, une voiture d’une taille si imposante ne pourra la suivre. Elle se trompe. Alors qu’elle tente d’enjamber les racines et les plaques de verglas, le sombre bolide fonce sur elle. Et c’est en une fraction de seconde que l’engin arrive à sa portée. Elle comprend, s’arrête, et porte ses mains tremblantes à son front. La voiture s’arrête à côté d’elle, la vitre teintée se baisse. La jeune femme se contente de regarder le sol, incapable de bouger. Elle sait déjà que le prédateur à retrouver sa proie.
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L’histoire d’Aby commence quelques mois plus tard. La jeune fuyarde hurle de douleur. Les infirmières réussissent à la calmer et l’aident. Une fois le travail achevé, elles déposent un petit morceau de chair au creux de ses bras. Avant de partir, le médecin pose une main chaleureuse sur l’épaule de l’homme qui attendait non loin de là.
> Félicitations, vous êtes le papa d’une belle petite fille. Comment souhaitez-vous l’appelez. L’homme sourit et lui tend un morceau de papier. Le médecin comprend, hoche la tête, et s’en va en ajoutant.
> C’est original. Très bien. Le père s’avance auprès du chevet. La femme extenuée ne regarde même pas l’enfant. Lorsque l’homme s’approche, elle tourne la tête pour fuir son regard.
> Voyons Ekaterina, tu ne regardes pas notre fille ? L’homme afficha un sourire des plus satisfait, et prend l’enfant dans ses bras. La mère, entre deux soupires, rétorquent.
> C’est ta fille Alexey, pas la mienne. Sa voix semble pleine d’une rage immense. L’homme ne tique pas, et dépose l’enfant dans son berceau, avec la plus grande délicatesse. Il revint près du lit de la jeune femme, et lui saisit soudainement le menton avec puissance. La détermination de la mère s’envole aussitôt, et c’est un regard suppliant qu’elle lui rend. Le ton du père devient dur, froid.
> Cesse de jouer à ce petit jeu avec moi, Ekaterina.La femme acquiesce, la peur illuminant ses prunelles, et déglutit péniblement. C’est alors qu’une infirmière rentre afin d’effectuer les premiers soins au bébé. L’homme adopte une posture beaucoup plus chaleureuse. Il passe sa main dans les cheveux blonds de sa compagne et dépose un baiser sur son front.
> Notre enfant est magnifique. Chuchote-t-il assez fort pour que l’infirmière entende. La mère semble pourtant incapable de prononcer un mot. Elle se contente de le fixer, la crainte se lisant clairement dans ses yeux. L’infirmière semble le comprendre, et demande simplement.
> Vous avez mal quelque part madame Temno ? L’homme exerce une discrète pression sur la nuque de la jeune femme, en guise d’avertissement. Celle-ci se ressaisit finalement et change d’attitude presque immédiatement.
> Non non, tout va bien ! Je suis juste épuisée. Elle affiche un sourire et fait mine de vouloir s’endormir. L’infirmière semble rassurée, et après ses soins, elle les laisse seul à nouveau.
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Abrasiv a bien grandi. Du haut de ses 5 ans, la petite tambourine contre la porte. Ekaterina râle, allongée sur un matelas aux diverses taches. Elle lui conjure de se taire.
> Ferme la putain, ferme la ! La petite s’impatiente. A vrai dire, elle en a marre d’être enfermer dans cette pièce. La fenêtre est minuscule, le sol est recouvert de poussière. Il fait sombre, et elle n’aime pas ça. L’humeur maussade de sa mère n’aide pas. Finalement, Aby s’assoit devant la porte et pleure. Encore une fois. Depuis quelques semaines, l’enfant a pris cette mauvaise habitude. Elle supporte mal le fait d’être enfermer, sa curiosité la rongé malgré son jeune âge. Elle fixe donc la poigné avec espoir, et hurle de toutes ses forces. Finalement, des pas lourds se font entendre. Aby accentue ses sanglots, jusqu’à ce que la dite poigné s’abaisse, une fois les interminables verrous ouverts. L’homme qu’elle voit semble en colère, mais peu importe. Derrière lui s’affiche le paradis. Il y a pleins d’autres pièces, de la lumière, et des objets fantastiques. L’homme s’abaisse près de l’enfant.
> Alexey je suis desolée, je… j’avais mal à la tête et … euh… elle fait que pleurer… je ..> Ta gueule Ekaterina.L’homme a parlé, sa voix froide explose contre les murs. Aby regarde tour à tour l’homme et sa mère.
> Eh bien ma grande, pourquoi ses larmes ?Sa voix est plus douce que lorsqu’il parle à sa mère, et Abrasiv le sait. Elle l’avait déjà compris. Elle frotte ses mains contre ses yeux et montre le dehors. Elle bafouille quelques mots incompréhensibles.
> Eh là, ces fichus lèvres ne semblent pas vouloir t’aider, hein ? Abrasiv comprend et s’impatiente. Elle espère de tout cœur. C’est alors que l’homme la porte dans ses bras et passe le seuil de la porte. La petite n’en revient pas. Dans l’entrebâillement, elle voit sa mère se redressée soudainement.
> Alexey, qu’est-ce que tu fais… > Notre fille ne peut pas rester ingrate comme sa mère. Je vais lui donner l’école, elle est en âge d’apprendre à communiquer convenablement. Il ferme la porte, claque les verrous un à uns dans un fracas métallique, et emmène la petite dans une pièce toute nouvelle. Il l’assoit sur une chaise à sa taille, et lui amène un verre coloré qu’elle s’empresse de boire. Après plus d’une heure, il la ramène près de la porte. Abrasiv sanglote déjà, et s’accroche à sa chambre. Elle ne veut pas y retourner.
> Là, ça va aller. On se verra demain aussi, d’accord ? La petite, trop heureuse de cette nouvelle, frotte sa tête contre le pantalon de l’homme pour lui manifester sa joie. Lorsqu’elle rentre et qu’elle entend les épais cadenas la séparer du monde extérieur, elle s’approche instinctivement de sa mère. Elle cherche du réconfort, mais en vain. Ekaterina la repousse violement. Ses prunelles s’animent d’une flamme nouvelle, et destructrice. Celle de la jalousie.
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Trois ans s’écoulèrent. Trois ans pendant lesquels Abrasiv et son père Alexey se donnaient rendez-vous tous les jours à la même heure. Il lui donnait des leçons et elle, avide de connaissance, n’en faisait qu’une bouchée. Malheureusement, chaque cours se terminait de la même manière. Abrasiv retournait dans la pièce, et sa mère l’insultait de tous les noms. Oh bien sûr, elle aurait pu en parler à son père. Mais du haut de ses 8 ans, la petite avait déjà compris qu’Alexey n’était pas un homme ordinaire. Et malgré la jalousie de sa mère, elle ne souhaitait pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. En rentrant de sa leçon, Aby se confronta donc aux injures habituelles en silence. Elle ne pleurait plus depuis bien longtemps. Ekaterina, agacée par cette indifférence, attrapa sa fille par le bras.
> Ecoute moi bien petite garce. J’aurais pu me barrer d’ici tu sais, j’en ai eu l’occasion. Mais à cause de toi, ouais, toi, j’ai pas pu. Tu m’as ralenti. Il m’a rattrapé. Et maintenant t’ose frimer devant moi parce qu’il t’autorise a sortir de cette cage ? > Tu me fais mal, mamanImplora Aby doucement, alors que la pression de sa mère commençait à la faire souffrir.
> Putain, j’aurais tellement pu me tirer d’ici. Tu m’as pourri la vie. Sans toi, bon dieu, je serais dehors et c’timbré serait sous les barreaux. Impossible de faire entendre raison à sa mère qui semblait répéter ses paroles en boucle, animée par une rage nouvelle. Abrasiv tenta alors de sa main libre de décrocher la main de sa mère dont elle sentait les ongles s’enfoncer jusque dans sa chair.
> Parce que tu t’imagines que tu vas sortir toi un jour ? Hahahaha, Alexey te fera comme ce qu’il m’a fait. Cette maison, c’est une cagé dorée. C’est du toc, et une trainée comme toi ne pourra jamais en sortir. Aby la supplia à nouveau, dans un chuchotement, pour ne pas attirer l’attention du dit homme. Mais visiblement, cela ne plut pas à sa mère qui la baffa. Une fois, puis deux. Puis trois. Désireuse de protégée sa mère malgré tout, Aby ne cria point. C’est la colère bruyante d’Ekaterina qui attira l’homme.
> Sale trainée ! Petite pute ! Comment tu peux… La porte s’ouvrit en grand. Derrière ses yeux meurtri, Aby eut le temps de voir le visage de son père se décomposé. Elle perdit connaissance juste après. Elle se réveilla sur un lit propre aux parfums de lessive. Elle se redressa maladroitement, son corps endoloris par les coups ne semblait pas de cet avis. Au pied du lit, un homme brun qu’elle connaissait bien s’était installé. En voyant son père, Abrasiv se souvint de la fureur de sa mère, et ne put contenir ses larmes. L’homme de bougea point, se contentant de parler d’une voix qu’il espérait douce.
> Ta mère sera punie pour ce qu’elle a fait. Ses paroles ne semblaient guère réconforté l’enfant qui pleura de plus bel.
> Et j’ai pris des mesures adéquates, elle ne te touchera plus. Cela attisa néanmoins la curiosité de la jeune fille. Aby releva à tête, ses prunelles pourpres embués de larmes.
> De quoi tu parles Papa ? > Repose toi, tu en as besoin Abrasiv. La jeune fille chercha désespérément à la contredire.
> Mais… Papa, pourquoi tu nous enfermes comme ça ? Pourquoi tu fais ça ? C’est à cause de toi que Maman est comme ça… Le père se leva, s’approcha de la jeune fille, et sans la moindre gène, enfonça son doigt dans la plaie tout juste recousue de la jeune fille, sur sa joue. Aby lâcha un gémissement de douleur et se mordit la lèvre.
> Pas de question stupides Aby chérie, tu sortiras en temps et en heure, quand tu m’auras prouvé que tu as plus de valeur que ta mère. L’homme s’écarta, banda la plaie de nouveau sanguinolente, et s’éloigna d’elle. Avant de partir, il ajouta simplement.
> Par ailleurs, c’est à cause de toi, ma puce, qu’elle est comme ça.Un sourire faux s’afficha sur les lèvres d’Alexey, et il ferma la porte de la chambre. Abrasiv s’endormit aussitôt. Elle se réveilla peu après dans sa pièce habituelle. Elle avait encore mal, un œil gonflé, et des bleus apparent, mais elle ne s’y attarda pas. Elle était bien trop occupée à regarder le spectacle morbide qui s’étalait sous ses yeux. Sa mère avait les mains menottées, accroché à une chaine. Le tout la maintenait ainsi contre le mur du fond. Un foulard semblait noué sur ses lèvres. Lorsqu’Ekaterina ouvrit enfin les yeux et qu’elle aperçut sa fille, elle perdit définitivement la raison. Elle tenta de se jeter contre elle. Les chaines firent leur travail et retinrent la mère, qui proliférait des insultes et autres gémissements en mordant le foulard. Abrasiv soupira. Les paroles de son père raisonnaient encore en elle.
c’est à cause de toi, ma puce, qu’elle est comme ça☽
Les années défilaient avec monotonie. Abrasiv c’était finalement fait au fonctionnement de cette famille. Chaque jour, son père la prenait avec elle pendant une à deux heures, et la faisait étudier. Puis elle rentrait dans la pièce, et ignorait sa mère. Son père lui donnait un livre par semaine à lire. Le soir, au moment du repas, le fidèle plateau repas était glissé dans l’ouverture prévu à cet effet. Abrasiv avait mis longtemps à pouvoir alimenter sa mère. Ekaterina tentait de lui mordre les doigts à chaque essai. Finalement, elles étaient parvenues à un accord. Aby lui ôtait le bâillon si elle ne l’insultait pas, et ainsi il lui suffisait de glisser le plateau entre ses mains menotté pour qu’Ekaterina s’alimente d’elle-même. Le chantage avait marché une semaine. Sa mère avait rapidement recommencé à l’injurier, mais la jeune fille de désormais 13 ans passait outre. Abrasiv commençait à comprendre comment fonctionnait son père. Il fallait simplement lui obéir. Un beau jour de printemps, Alexey vint chercher sa fille. Installé confortablement dans le salon, celle-ci lui fit le résumé du livre qu’il lui avait confié. Il ébouriffa ses cheveux avec affection, geste au quel Aby ne réagit pas. L’homme afficha un sourire satisfait, et croisa les bras.
> Ce dimanche, j’ai des amis qui viennent à la maison. Je voudrais que tu m’aides à préparer le repas et à les servir. Les prunelles d’Abrasiv s’illuminèrent Elle acquiesça dans un silence parfait, cachant sa joie du mieux qu’elle le pouvait.
> Bien. Alexey raccompagna sa fille qui se retint de laisser éclater sa joie. A partir de cet instant, Aby compta les heures, les minutes. Elle n’avait qu’une hâte, arrivé enfin à ce fameux dimanche. Jour qui arriva. Son père vint la chercher à 15h précise. Il l’amena à la cuisine où il lui expliqua les détails de chaque recette. Aby effectua chaque action avec la plus grande minutie. Elle était tentée de courir, de chanter, de toucher tous ce qu’elle voyait. Mais elle se retint. Elle savait qu’il lui fallait obéir, sinon, ce genre d’occasion ne se reproduirait plus jamais. Ainsi elle cuisina toute l’après-midi avec son père. En fin de soirée, il lui ordonna d’aller se doucher. Il resta assis sur une chaise à la surveiller durant sa douche, et lui passa ensuite une robe de jeune fille. Aby était aux anges. Elle sentait bon, elle avait fait un tas de choses et la journée n’était même pas terminée. Alexey lui donna les dernières consignes. La sonnette retentit.
La soirée passa plus vite que prévu. Aby apporta sur la table les plats uns à uns, débarrassa les hommes de leurs affaires, et amena les diverses boissons alcoolisés qu’ils souhaitaient. Elle resta assise sur le canapé la plus part du temps. Quelque homme était accompagné par des femmes aux courbes enjôleuses. Aby étudia la scène. Ses femmes semblaient visiblement à l’aise avec ses hommes, et semblaient apprécier les caresses et autres gestes. Lorsque les derniers hommes partirent, son père la félicita. Il l’accompagna dans une pièce qu’elle avait déjà vue une fois, lorsque sa mère l’avait battue. Il tapota le lit, et l’encouragea à venir le voir.
> Je suis fière de toi Abrasiv. Tu as fait ce qu’il fallait, une vraie maitresse de maison. > Merci Papa.Lança-t-elle alors qu’il lui souriait. L’haleine d’Aleksei sentait aussi fort que les boissons qu’elle avait servi, et son nez rosie la distrayait fortement. Il posa une main sur la cuisse de sa fille, qui ne bougea point.
> Tu sais, ma puce, que je suis fière de toi. J’aimerais te récompenser, tu sais. J’aimerais… te laisser cette chambre, pour toi. Une vraie chambre. Aby suffoquait presque de joie mais ravala ses emotions aussi-tot.
> Mais je ne sais pas… je ne suis pas encore.. totalement sur de toi… Il me faudrait une preuve.Il toussa fortement, et afficha un sourire bien imbibé.
> Une preuve de ton engagement, vois-tu ?Sa main remonta subtilement, et la jeune fille déglutit. Elle était bien trop heureuse pour laisser passer cette opportunité. Sa propre chambre. Sans un mot, elle laissa son père abusé d’elle.
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Abrasiv avait donc sa propre chambre. Une chambre modeste, mais avec une fenêtre de taille convenable, ainsi qu’une bibliothèque où était entreposé des livres et dvd. Une télé était à disposition pour voir les films. Son père l’avait inscrite au cours par correspondance, et continuait de l’aider à apprendre pendant plusieurs heures. Il semblait lui faire confiance, et l’autorisait même à l’aider à préparer le repas. Abrasiv avait un libre accès à la maison. Elle pouvait aller aux toilettes, à la salle de bain, au salon, à la cuisine. C’était une des faveurs que son père lui octroyait en l’échange de son corps qu’elle lui donnait régulièrement. La jeune adolescente de 16 ans désormais, avait compris qu’il fallait coopérer. Plus elle coopérait, plus elle avait le droit d’effectuer des choses. Il lui était néanmoins interdit de sortir de la maison. Son père eut recours à elle lors d’invitation à plusieurs reprises. Chaque fois, il se vantait d’avoir la meilleure fille du monde, et Aby rentrait dans son jeu, tournoyant sur elle-même pour émoustiller les copains d’Alexey et câlinant son paternel avec une chaleur démesuré. Abrasiv pu ainsi découvrir que son père avait un travail. Le matin, il était généralement absent. La jeune fille en avait profité pour prendre une habitude assez particulière. Elle montait sur le canapé et regardait par la fenêtre pendant de longue heure. Elle put ainsi admirer plusieurs enfant de son age partir prendre le bus pour l’école, ainsi que d’autre gens aux dehors. Elle qui s’était juré de ne plus rien ressentir, commençait a regretter ses choix. Que pouvait-elle donner pour obtenir l’autorisation d’aller dehors jouer avec ces enfants ? Elle avait déjà tout céder à son père, il ne lui restait plus rien… C’est face à cette triste révélation qu’Abrasiv prit la décision de parler à sa mère. Elle ne la voyait plus depuis qu’elle était dans sa chambre. Alors chaque matin, lorsque son père partait et l’enfermait à clé, elle prenait un papier, y écrivait quelques mots, et le glissait sous la porte de sa mère avec un crayon. Bien souvent, elle n’avait aucune réponse. Mais un jour, un beau jour, Ekaterina lui répondit. « Je me sens seule sans toi. Je n’ai plus de raison de vivre » Ces mots écris maladroitement lui fendirent le cœur. Des lors, une conversation s’installa discrètement entre Aby et sa mère. Tous les jours, elles échangèrent quelques mots. Abrasiv n’avait pas connaissance des codes permettant d’ouvrir les verrous, parler à sa mère de cette manière était la seule façon qu’elle avait de prendre de ses nouvelles. Et qui plus est, l’absence de sa fille semblait avoir calmé les folies d’Ekaterina, qui se montrait des plus affectueuses. Aby s’en réjouissait. Sa mère n’était plus agressive, elle-même était libre de virevolter dans la maison. L’espoir grandissait petit à petit pour la jeune fille. C’est alors qu’un soir, alors que la jeune adolescente préparait le repas comme à son habitude, une occasion toute particulière se présenta.
> Aby chérie, je vais avoir besoin de toi ce samedi.Alexey expliqua que son frère ainsi qu’un cousin venait manger. Il demandait donc, comme habituellement, l’aide de sa fille. Aby prit son courage à deux mains. Elle qui était rentré dans le jeu de son père, lui obéissant au doigt et à l’œil, allait pour la première fois depuis des années, oser affirmer quelque chose.
> Tu sais Papa, je pense que ce serait une bonne idée que maman nous aide. L’homme releva la tête, intéressé. Aby posa son regard sur ses genoux, sa voix tremblotant déjà. Elle entreprit de s’éclaircir la voix, mais en vain.
> Je… Je veux juste dire que ça lui ferait du bien. Elle est seule, et en me voyant faire, elle pourrait peut-être prendre exemple sur moi ?Ca y est Abrasiv avait lancé son ultime argument. Jouer la carte de la fille modèle sembla porter ses fruits.
> Pourquoi pas. Mais tu t’en occuperas et elle sera sous ta responsabilité.Le ton de l’homme se faisait menaçant, mais Aby était bien trop heureuse pour réaliser ce qu’elle venait de faire. Les jours de la semaine passèrent lentement, trop lentement. La jeune fille prépara sa mère du mieux qu’elle put par ses petits mots habituels. Le jour J- Alexey lui ouvrit l’épaisse porte blindé et ôta les menottes. Ekaterina suivit sa fille sans un mot ni un regard pour son mari. Abrasiv la doucha, et lui passa une robe. Ses mouvements étaient sec, presque automatiques. Aby ne savait plus comment s’y prendre. Elle était heureuse de la voir là, mais se souvenait encore de la folie qui la rongeait, et du mal qu’elle lui avait fait. Ekaterina, elle, restait silencieuse. Elle posait son regard sur chaque objet, chaque mur, chaque meuble. Sa fille lui expliqua quoi faire, et les deux se mirent au travail. Finalement, la mère sembla trop perturbée pour être de capable de cuisiner. Et Abrasiv n’avait pas confiance en elle, elle avait peur qu’elle se blesse avec les ustensiles, et l’invita à s’assoir sur le canapé. Elle prepara le repas à elle seule. Le diner se passa comme les autres. Abrasiv apporta les plats, défila et remercia les convives pour leurs compliments. Aby ne put s’empêcher de frissonner. Elle sentait dans son dos le regard glacial de sa mère. Elle craignait qu’elle ne soit prise d’une énième crise de colère. Il ne fallait pas qu’elle bouge, qu’elle obéisse et se comporte convenablement. Ainsi, peut-être pourrait-elle vivre elle aussi en dehors de la pièce, libre, comme Aby. L’un d’entre eux questionna Alexey sur la femme qui était installé sur le divan depuis leur arrivé. L’homme en question répondit qu’elle n’était qu’un détail, sans grand importance. Les hommes haussèrent les épaules et n’en demandèrent pas plus, s’inclinant face à l’autorité d’Alexey. Lorsqu’il fut l’heure de partir, la jeune adolescente vint chercher sa mère. La tenant par le bras, elle l’approcha de la table afin de saluer poliment les invités qui s’en allait, comme lui avait appris son père. Mais Ekaterina refusa de s’incliner. Les hommes esquissèrent un sourire entendu, et Aby retint sa respiration. Alexey fit signe aux deux hommes e l’attendre dehors. Il s’approcha dangereusement de sa femme. Il était évident qu’il avait pris ce geste pour une provocation. Il attrapa sa femme par le bras, et la secoua. Abrasiv s’écarta, immobile. Elle était incapable de faire quoi que ce soit. Sa mère avait désobéit, elle méritait sa punition, après tout. Alexey attrapa la gorge de la jeune femme qui semblait avoir retrouvé sa ténacité d’auparavant. Elle jurait, frappait, griffait. L’homme serra sa prise encore un peu, cherchant à faire stopper les jérémiades de cette femme qu’il trouvait ingrate.
> Ferme là Ekaterina, je te laisse sortir et c’est comme ça que tu me remercie ? En m’humiliant devant les invités ? La femme n’arrivait à prononcer un seul mot. L’air lui manquait. Mais dans un dernier souffle, elle attrapa un couteau sur la table, et le planta dans les côtes du père. Ce dernier lâcha prise sous le choc, et reporta son attention sur sa plaie béante. Il grogna.
> Aby fait quelque chose bordel ! Reste pas là comme une conne !Faire quoi ? Abrasiv était incapable de bouger. Elle regardait ses parents se déchirer, en silence. Le sang commençait à inonder les vêtements de l’homme, qui grommelait. Quant à sa mère, elle regagnait doucement son souffle.
> Toi. Cracha-t-elle en posant ses prunelles farouches sur sa fille.
> C’est ta faute. Elle s’avança vers elle, arme en main. Elle n’avait plus rien de maternel, plus rien d’affectueux. Comment cette femme pouvait-elle être celle qui lui avait donné la vie ? Celle qui lui avait écrit tous ces mots doux.
> Tu pensais vraiment me manquer ? Sale garce ! Tu l’as laissé m’enfermer pendant que toi, t’étais dehors ! T’es pire que lui ! Abrasiv s’imprégnait de chaque parole, incapable de répondre. Alors que sa mère s’apprêtait à s’abattre sur elle, Alexey lui sauta dans le dos. Le couple tomba à la renverse, et le pire arriva. Sous les yeux de leur fille, le couple se déchira. Dans un excès de folie, Ekaterina poignarda son homme à plusieurs reprises, jusqu’à que son corps inerte baigne dans son propre sang, sur le parquet sombre. La mère avait laissé toute sa rage s’échapper, hurlant à pleins poumons. Cela eu l’effet d’attirer les deux invités qui patientait sagement dehors. Ils attrapèrent Ekaterina et appelèrent la police locale.
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Suite à cela, Ekaterina fut interné dans un hôpital psychiatrique. Elle y mit fin à ses jours deux moins plus tard. Abrasiv se retrouva donc sans famille. En avait-elle vraiment eu déjà une ? Les autorités locales voulurent la confier à ses grands-parents maternels, mais ces derniers en refusèrent la garde. Elle fut donc envoyer dans orphelinat. Elle y resta 3 mois. La directrice finit par l’envoyer au foyer des sœurs Hatano. En effet Abrasiv semblait très perturbé parce qu’elle avait vecut, et elle semblait avoir besoin des plus grands soins.
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